Stupeur et tremblements, les débuts du Tigre

Stupeur et tremblements, les débuts du Tigre

19 novembre 2019 3 Par Rémi Valet

Débutée dans le faste et les paillettes des ambitions pharaoniques de Dimitri Rybolovlev en 2013, l’histoire de Falcao à Monaco s’est conclue six années plus tard dans l’anonymat des dernières heures du mercato, fiévreusement animées par le PSG. Une sortie plutôt discrète qui contraste avec l’onde de choc mondiale qu’avait provoquée la signature d’un joueur promis au Real Madrid chez un promu en Ligue 1. Comme un symbole des sentiments ambivalents qu’aura inspiré le Tigre aux supporters asémistes durant son bail en Principauté, entre départ en catimini et gestes de génies. Retour sur les 6 ans de la star colombienne sur le Rocher pour se faire une idée de la place qu’il occupera au panthéon des légendes de l’AS Monaco.

Genèse : des premières rumeurs à l’officialisation

C’est en février 2013 que naissent les premiers murmures, dans l’univers feutré et confidentiel des forums de supporters monégasques. Impensable. On ne peut y croire. Comment Radamel Falcao, l’un des tout meilleurs buteurs de la planète, pourrait signer chez un promu en L1 quand le gratin européen lui tend les bras ? C’est à la fin du mois d’avril que la rumeur s’épaissit quand tour à tour, L’Equipe et AS, le quotidien madrilène, évoquent l’incroyable objectif du président Rybolovlev de faire de la star colombienne la figure de proue de son projet pour l’AS Monaco. Pendant que l’équipe princière de Subasic, Raggi et Germain caracole en tête du championnat de L2, l’issue de ce transfert dantesque s’affirme. Un accord est annoncé à la mi-mai, une clause permettant au joueur de rejoindre le Real Madrid dès le mercato hivernal est même évoquée. Enfin, le 31 mai 2013, quelques jours après avoir fêté le sacre de L2, Dimitri Rybolovlev en personne officialise le recrutement de Falcao lors d’une soirée organisée sous le chapiteau de Fontvielle, frappant alors un très grand coup sur le mercato et affirmant avec forces ses ambitions pour les années à venir.

Interrogé sur ce transfert quelques semaines plus tard, l’entraineur asémiste de l’époque, le Mister Ranieri, concède même avoir été stupéfait par la grandeur de l’ambition présidentielle. « Je suivais James Rodriguez et Jackson Martinez. Le président Rybolovlev m’a dit « Falcao ne te plait pas ? » » raconte-il dans la Gazzetta Dello Sport. Ce transfert dantesque pour un promu de L1 a été rendu possible par plusieurs facteurs : la proximité entre le super-agent Jorge Mendes et Dimitri Rybolovlev, le salaire de 14 ME annuel proposé par l’ASM au Tigre, et la place centrale offerte à l’attaquant dans les ambitions asémistes. Falcao ne dit pas autre chose pour justifier son choix face aux journalistes : « Tout le monde aime être valorisé et être quelque part où on lui donne l’importance nécessaire pour faire son travail. Être une pièce fondamentale du projet de Monaco m’a séduit ». Le buteur colombien voit également d’un bon œil l’absence de Coupe d’Europe et donc d’un calendrier chargé dans la perspective du mondial brésilien, lui qui est attendu en héros par tout le peuple Cafeteros.

Rejoint par d’autres recrues d’envergure, le plus gros transfert de l’histoire de l’ASM – 43 ME d’après les documents extrait par les Football Leaks – débute parfaitement son aventure en Principauté avec 7 buts lors de ses 7 premiers matchs en L1, dont des réalisations importantes au Vélodrome et au Parc des Princes. Invaincu, Monaco fait alors la course en tête avec le PSG et justifie ses ambitions. Satisfait, et tordant le cou aux rumeurs persistantes l’envoyant au Real Madrid, le Tigre déclare sur Canal + : « Je suis content d’être ici. Je m’inscris dans un projet à long terme à Monaco. Nous sommes dans une période de construction et nous allons la poursuivre ». Il ne croyait pas si bien dire.

Chasselay, la catastrophe après le malaise

Après des débuts prolifiques, la dynamique du Tigre se grippe. Bousculé par les défenses rugueuses du championnat, peu protégé par les arbitres, il est moins décisif, et inscrit seulement deux buts en deux mois. Le Colombien traine son spleen de manière à peine masquée dans les mornes affiches de L1 et dans le schéma de jeu peu flamboyant proposé par l’entraineur monégasque. Pire, lors du dernier match avant la trêve hivernale, à domicile contre Valenciennes, il rate un pénalty et est sorti sans ménagement à la mi-temps par Claudio Ranieri. L’ASM perd et est reléguée à trois points du leader parisien. Le malaise de Falcao à Monaco est alors palpable.

Son retour sur les terrains de L1 en janvier n’arrange rien, le Tigre ne parvient plus à se montrer aussi décisif qu’en début de championnat. Pour le remettre en confiance, le coach asémiste tente de l’aligner en Coupe contre des adversaires modestes. Pari réussi début janvier 2014, contre Vannes, où il inscrit un but. Pari encore réussi quelques jours plus tard, pense-t-on, lorsque Falcao ouvre le score à la demi-heure de jeu au Stade Gerland contre les amateurs de Chasselay, emmenés par leur capitaine Ludovic Giuly. C’est à la 40ème minute du match que la catastrophe intervient : Soner Ertek, défenseur chasselois et professeur d’histoire dans le civil, tacle très durement le Colombien dans la surface. Philippe Kalt n’accorde pas de penaly, et Falcao ne se relèvera pas. Sorti sur civière en se tordant de douleur, la gravité de sa blessure ne laisse que peu de doutes.  En conférence d’après-match, Jérémy Toulalan renforce l’inquiétude d’un diagnostic que personne ne veut imaginer : « On espère qu’il pourra quand même aller au mondial ». Le lendemain de la rencontre, la catastrophe se confirme : Falcao souffre d’une lésion du ligament croisé antérieur du genou gauche, sa saison est terminée et sa participation au mondial compromise.

La course contre la montre dans laquelle s’est engagé le buteur ne fonctionnera pas, il déclare forfait pour la Coupe du Monde 2014 au Brésil et est condamné à assister des tribunes aux exploits de son coéquipier en club James Rodriguez, qui finira meilleur buteur de la compétition. En Principauté, il est suppléé avec succès par le bulgare Dimitar Berbatov, recruté en catastrophe lors de l’ultime jour du mercato hivernal, et l’ASM termine solide second du championnat, décrochant son billet pour les poules de la prochaine Ligue des Champions. Avec le Tigre ?

A la suite de cette saison chaotique, les doutes existent. Du côté du club et du joueur, on affirme que oui. Falcao reprend bien l’entrainement à la Turbie sous les ordres du nouvel entraineur Leonardo Jardim, l’ASM joue un tournoi amical de pré-saison en Colombie, Vadim Vasilyev multiplie les déclarations pleines de confiance. Mais le transfert de James Rodriguez au Real Madrid à la fin du mois de juillet, et l’absence de recrues d’envergure à la reprise de L1 renforcent les craintes d’un départ. Une pénible incertitude que les supporters monégasques ne sont pas près d’oublier et qui s’étirera jusqu’aux toutes dernières heures du mercato estival.

Crédits: asmonaco.com